Il se passe effectivement une sorte d’accélération dans le développement de l’hypnose aujourd’hui. Alors pourquoi?
Sûrement tout d’abord du fait de son efficacité, qui m’émerveille encore chaque jour. Mais alors la question se pose différemment… Pourquoi maintenant et pas avant?
Cette question, je me la suis souvent posée. Pourquoi est-ce que depuis le début du XXème siècle l’hypnose n’a pas déjà pris une place plus importante dans les soins? Je n’ai malheureusement pas de réponse définitive à offrir, simplement une base de réflexion. L’hypnose s’est longtemps (et encore aujourd’hui) réclamée de l’héritage de Mesmer, même si la parenté me semble personnellement particulièrement éloignée. Il ne fait aucun doute que ces concepts ont rapidement été considérés à l’ère industrielle comme obscurantistes et ont donc ainsi été reléguées avec la notion de « magnétisme animal » au niveau de pratiques opposées à une démarche scientifique. Un outil qui fonctionne mais que l’on ne comprend pas pouvait alors sembler aussi dangereux pour l’intellect qu’une pomme pour un physicien… Ajoutez à cela que l’on peut reproduire (par exemple dans le domaine de l’anesthésie) avec une grande fiabilité le même phénomène avec une plus grande reproductibilité (parfaite) et moins de temps, et voilà le tour est joué…
L ‘hypnose a ensuite peu à peu retrouvé sa place dans des domaines (Erickson) où les autres traitements ne semblaient pas satisfaisants: la psychothérapie… C’est dans cette activité de soin que l’hypnose a repris son essor. Celui-ci est en fait relativement constant depuis l’après « deuxième guerre mondiale ». Simplement cette progression de proche en proche se fait avec une certaine inertie car elle nécessite un certain engagement (formation, entraînement) des praticiens, quel que soit le caractère démonstratif des publications et des travaux de ceux qui la pratiquent déjà.
Elle continue maintenant son essor parallèlement à certaines évolutions culturelles. On ne se contente plus de soigner, le confort devient une valeur prioritaire. Dans le vaste domaine de la douleur chronique, l’hypnose aide les patients pour qui la chimie (toujours plus simple et plus facile pour le prescripteur) est inefficiente. On retrouve donc maintenant l’hypnose pratiquée dans l’immense majorité des centres de traitements de la douleur. On voit maintenant réapparaître l’hypnose dans l’univers de l’anesthésie et de la douleur aiguë, non comme suppléant complet à la chimie (ce serait trop d’énergie et de temps aujourd’hui), mais pour ce qu’elle est capable d’apporter au patient comme confort complémentaire: moins de douleur, moins d’effets secondaires imputables à l’anesthésie et au traitement antalgique, durée d’hospitalisation plus courte, autant de points d’impacts qui deviennent prioritaires en terme de stratégie de soin dans nos sociétés occidentales (maintenant que la survie est assurée). Il va de soi cependant que cette valeur prioritaire rentre en conflit avec une autre valeur devenue prioritaire, l’économie de santé dont j’aborde les conséquences dans « l’hypnose à l’hôpital » et ses paradoxes parfois déroutants…