Au risque de vous décevoir, il reste encore un vaste mystère, quand bien même les rouages de ce qui se passe et les différents niveaux d’impact de l’hypnose notamment en terme d’analgésie ont été mis en évidence, le comment qui éclaire tout n’a pas encore vu le jour. Si les effets biochimiques, physiologiques et cognitifs de l’hypnose sont mesurables, de mieux en mieux pour la physiologie cérébrale avec les apports de l’imagerie fonctionnelle, il n’en reste pas moins que persiste un grand pas à franchir. On mesure les endorphines, les variations d’activité neuronale, la réactivité à une stimulation, imputables à telle stratégie hypnotique mais ce ne sont que des effets et non des causes.
Je vous renvoie à la bibliographie sur hypnose et douleur si vous voulez un peu mieux connaître l’état de la science à ce sujet. Mais peu à peu, la recherche permet de remonter la cascade alors encourageons la. Il est probable que cette difficulté à comprendre ce que l’on sait faire fonctionner, et qui nous renvoie donc au mystère de l’humain, a longtemps mis en difficulté beaucoup de praticiens, et même encore aujourd’hui. C’est pourtant nier un grand nombre situations équivalentes dans la pratique de la médecine actuelle. La médecine basée sur l’évidence n’encadre qu’une bien faible proportion de notre pratique. L’hypnose (ce n’est qu’une étiquette) fait pourtant partie de cette médecine basée sur l’évidence depuis bien longtemps. En effet, tous les traitements sont actuellement évalués par rapport à un placebo plutôt que rien, tout simplement parce que le placebo ça marche! Dans toutes les situations, on retrouve un effet positif du placebo. C’est la suggestion non verbale qui a toujours fait partie de la pratique médicale, depuis que celle-ci a pris soin d’évaluer ses pratiques. Mais le placebo, comment ça marche? …
Les conséquences de la psychologie sur la physiologie intéressent une spécialité récente appelée dans les pays anglo-saxons la psychoneuroimmunology (neuroendocrinoimmunologie en français). L’hypnose est un peu un super accélérateur de cette interaction entre psychologie et physiologie, mais alors pourquoi et comment au-delà des simples effets? Cela nous renvoie au mystère de la conscience et aux réponses diverses qui ne sont que des hypothèses (en général assorties de croyances puissantes).
L’hypnose, ce ne serait pas un super placebo? Super placebo parce que ça marche mieux que le placebo ou même que la simple relaxation dans la douleur. Et alors, soit, si ça fonctionne. Utilisons un super placebo!
Super placebo, parce qu’un problème dans l’évaluation clinique de l’hypnose est celui du double aveugle. L’hypnose ne peut pas se donner comme une pilule. Une autre difficulté dans l’évaluation de l’hypnose est celui de la standardisation. Pour un problème identique, les besoins de deux personnes seront différents sur l’accompagnement et les suggestions thérapeutiques. Standardiser a le fâcheux travers de minimiser les effets de l’hypnose.
Ce problème n’en est pas un dans la mesure où contrairement à d’autres traitements, les effets indésirables ou le traitement inutile n’ont pas la même signification (pas de puissant laboratoire derrière ce genre de pratique) que dans bien d’autres traitements. Alors si cela peut améliorer le vécu, soulager, soigner, pourquoi s’en priver? Il est une excellente chose de chercher à explorer davantage les mécanismes sous-tendus par le phénomène hypnotique, et il est tout aussi important d’aller plus loin dans l’évaluation clinique de l’hypnose dans l’immense champ qui s’ouvre devant elle dans le cadre de la médecine somatique et légitimer ainsi son utilisation dans un grand nombre d’indications.