Hypnose et Médecine

Une vieille histoire…, un bel avenir

Ce qu’est l’hypnose

En deux mots sur cette vidéo:

Définition

Les définitions sont à la fois nombreuses  et pas toujours très parlantes. De fait, il n’y a pas une hypnose mais bien une pratique aux multiples facettes.

Une chose rassemble ces différentes facettes, c’est l’utilisation d’un état modifié de conscience afin d’atteindre un objectif. Le terme hypnose rassemble donc les pratiques thérapeutiques qui utilisent cette capacité naturelle de l’être humain et même de certains animaux.

Les états modifiés de conscience

Les états modifiés de conscience ont de tout temps fait partie du quotidien de l’être humain. A chaque fois que vous êtes profondément absorbés par une lecture ou un film, en pilotage automatique (vous êtes déjà arrivés…) dans votre voiture ou même sur un trajet que vous faites à pied, vous êtes dans ce que l’on appelle un état de « transe commune quotidienne ». Le terme transe qui fait partie du jargon de l’hypnose pour nommer la modification de l’état de conscience, véhicule tout un ensemble de contenus notamment folkloriques sur des rites observés dans différentes sociétés. Les états modifiés de conscience observés lors de ces rites, quoique différents dans leur manifestations et leur nature sont toutefois des état modifiés de conscience lors desquels certains phénomènes « hypnotiques » peuvent être observés: anesthésie pour marcher sur les charbons ardents ou autres agressions corporelles etc…

Lorsque l’on fait de l’hypnose, on amplifie simplement ces états modifiés de conscience quotidiens afin d’atteindre un objectif prédéfini. Tout ce qui se produit lors d’une séance formelle d’hypnose est susceptible de se produire spontanément, souvent lors de situations exceptionnelles. Il n’est pas si rare qu’un être humain gravement blessé dont la vie est encore en danger, ne prenne conscience de ses blessures (et de la douleur) qu’une fois le danger écarté.

Chez l’homme, l’accompagnement hypnotique passe beaucoup de nos jours par l’utilisation du langage. Cette utilisation des mots rejoint des pratiques bien antérieures à la définition de l’hypnose (James Braid en 1841) qui étaient durant l’antiquité perçues comme des pratiques magiques. « Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose » (Sigmund Freud).

Chez l’animal

La nature est bien faite. L‘oiseau qui va se faire dévorer par le serpent, est certes immobilisé par la fascination, mais ne ressentira aucune douleur au cours de ses derniers instants… En fait, effectivement, la plupart du temps les animaux expérimentent un état modifié de conscience face à un danger. L’hypnose expérimentale chez certains lapins comporte essentiellement une position contrainte qui sidère littéralement celui-ci de façon durable. Cela se traduit par des réponses objectives (différentes mesures d’activité électrique, motrice ou biochimique) très diminuées à un stimulus douloureux. La même chose peut s’observer chez les poules (les fermiers le savent bien), chez certains crustacés (sic!) ou de plus gros animaux par des biais légèrement différents (chiens, taureaux etc…). Vu comme cela, la parenté avec les états modifiés de conscience chez l’homme peut sembler lointaine. Pourtant, confronté à un danger vital, l’homme est aussi susceptible de développer spontanément bien des phénomènes considérés comme hypnotiques. Cela reste cependant tout à fait différent de ce que l’on cherche à obtenir de façon thérapeutique: confort, bien-être… sont le plus souvent exacerbés pendant un travail thérapeutique planifié. Cela signifie également que toute situation vécue comme menaçante ou dangereuse va naturellement modifier l’état de conscience (avant une intervention, lors d’un accident, ou certains soins) et que chaque mot utilisé par les personnes présentes (surtout avec l’autorité d’un médecin) peut avoir un impact crucial…

Tout le monde peut faire de l’hypnose

Tout le monde? Oui, oui. Pour vivre un état hypnotique il suffit d’avoir un cerveau à peu près en état de marche et pour accompagner quelqu’un d’autre, c’est pareil. Oui, mais accompagner quelqu’un nécessite, pour être optimal, un apprentissage. Tout le monde peut chanter, mais certains sont naturellement plus doués, et il faudra de toute façon travailler pour arriver à interpréter certains chants…

De la même façon, tout le monde n’a pas les mêmes facilités pour vivre un état modifié de conscience, mais il n’y a pas  de corrélation entre la profondeur de la modification de l’état de conscience et le résultat. Il faut qu’il y ait une modification (c’est la définition), et un bon thérapeute trouvera toujours la façon adaptée d’accompagner quelqu’un jusque là, dès lors qu’il y a le minimum requis: une intention du patient (en général, s’ il se trouve face à un thérapeute c’est le cas, mais si c’est madame qui a obligé monsieur à résoudre un problème, faut voir…) et une relation de confiance (là aussi, le thérapeute est sensé faciliter son installation). Je passe sur les qualités et le savoir faire qu’est supposé avoir celui qui accompagne.

Un peu d’histoire…

C’est probablement ce que je vais le moins développer, parce que tout est déjà écrit dans de nombreux autres endroits… Je vais par contre m’intéresser un peu plus à l’histoire des liens entre médecine et hypnose. En fait l’histoire même de l’hypnose a été faite par des médecins. L’un des premiers et plus important usage médical de l’hypnose fut… l’anesthésie par des chirurgiens qui préféraient que leurs patients vivent de façon indolore la chirurgie (quelle coïncidence?). John Elliotson (1791-1868 , Surgical Operations in the Mesmeric State without Pain) et par James Esdaile (1808-1859).

image8261Esdaile passait de longues minutes à faire des passes entre la tête et l’estomac de ses patients indiens… Ici, il s’agit plutôt d’une charmante anglaise!

Ils mettent en évidence une amélioration considérable de la survie des patients en post-opératoire. Incroyable non? Alors qu’est ce qui a fait que l’hypnose qui a rendu service a tant de patients s’est ensuite effacée à un second plan? Beaucoup de témoins anglais (une commission d’enquête) estimaient que les travaux d’Esdaile étaient effectivement efficaces avec des indiens de castes inférieures mais ne pouvaient être applicables aux Anglais (!!!). Pour l’époque, ce genre de conception était la norme… A peine quelques années plus tard, la chimie en anesthésie faisait son apparition avec le protoxyde d’azote, l’ether et la facilité de leur mise en place a supplanté le temps et l’énergie nécessaires à l’anesthésie hypnotique.

Si l’hypnose a été éloignée de l’anesthésie, elle s’est ouverte d’autres horizons avec la création du terme psychothérapie (1891) par un autre médecin H. Bernheim (oui, le terme psychothérapie définit le soin par la suggestion et l’hypnose…). Dans le même temps, les fameux travaux de Charcot à la Salpètrière à la chaire de neurologie s’orientent vers d’autres théories sur la nature du phénomène hypnotique. Cette heure de gloire laisse peu à peu la place à une période sombre au cours de laquelle les praticiens et chercheurs sont rares jusqu’à l’après guerre, où Milton Hyland Erickson (1901-1980) donne une nouvelle dimension et un élan considérable à l’outil hypnotique dans le champ de la psychothérapie. Il est psychiatre de formation. Ses travaux ont eu une influence énorme sur de nombreux courants de psychothérapie nés à la fin du XXème siècle.

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M.H. Erickson (1901-1980)

Erickson ne fut pas le seul à faire évoluer l’hypnose au cours du XXème siècle. Je vous renvoie à d’autres historiques pour quelque chose de bien plus exhaustif si cela vous intéresse. Il reste un emblème particulièrement mythique de l’hypnose au point de caractériser une façon particulière de l’utiliser. Nous allons voir que cet hommage s’est naturellement étendu de façon parfois abusive…

Hypnose classique

C’est l’hypnose du début du XXème siècle et avant. Les pratiques se sont enrichies et ont évolué parallèlement à un développement culturel. La position dominante du praticien et son approche directe ne sont plus vraiment dans les mœurs aujourd’hui. Toutefois, certains outils restent applicables et permettent dans une certaine mesure d’obtenir des résultats rapides, ce qui peut être intéressant en anesthésie… Il faut être prêt à un minimum de théâtralisme pas toujours évident à caser dans un bloc opératoire!

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